J’ai passé les 43 premières années de ma vie à vous chercher. J’ai souvent pressenti que ma fraterie était plus grande que celle que j’avais avec ma soeur ainée (enfin maintenant demi-soeur car nous avons certes la même mère biologique mais pas le même père biologique). Adolescente, je me rappelle questionner ma mère à de nombreuses reprises en lui demandant si elle était bien certaine que je n’avais pas eu de frère. Elle me disait que non mais instinctivement, je sentais bien que j’en avais quand même un (et aujourd’hui je dirais au moins un).
J’en étais tellement convaincue que j’avais un bon ami que je considérais comme mon frère et que je m’attachais à traiter comme tel. J’étais même frustrée que sa mère ne me donne pas une place plus importante… puisque quelque part j’étais du coup aussi un peu de sa famille.
Bref, les places n’étaient pas claires. Pas la mienne. Pas celle de certains proches.
Savoir que l’on a été concu avec donneur n’est pas anodin.
A défaut de pouvoir connaitre ses demi-frères, ses demi-soeurs, son père biologique, on sait au moins à travers cette information que l’on a une fraterie élargie et un “autre” père que celui dont on porte officiellement le nom.
On sait ainsi que sa place “officielle” n’est certainement pas la bonne. Et que l’on n’a pas besoin de vivre la vie de tous ses frères et soeurs que l’on ne connaitra peut-être jamais.
Quand je parle de mon parcours professionnel, j’en plaisante souvent en disant que j’ai eu dix vies. Comme si je cherchais… je me cherchais et je les cherchais.
Entre vingt et trente ans, j’avais remarqué déjà que je semblais passer d’une vie à l’autre, enchainant les déménagements. J’avais consciemment décidé de ne plus déménager. Mais le fond du problème n’ayant pas avoir pu être mis en lumière, cela s’est répercuté dans ma vie professionnelle. Je connaissais mon point fort: savoir mettre les gens en réseaux, savoir aborder les sujets tabous et savoir renoncer à mon poste quand je voyais le non alignement entre les besoins de l’organisation et mon poste pour laisser de la place à plus de pertinence.
Entre temps, j’ai rencontré une demi-soeur cadette (nous avons le même père biologique) – elle n’est désormais plus fille unique et je suis désormais une demi-soeur ainée.
L’être humain est un être d’attachements. Ne pas parler des liens qui existent biologiquement n’a pas pour conséquence qu’ils n’existent pas. Cela crée simplement de la confusion dans l’existence des personnes concues avec donneur. Et inconsciemment, la quête de ces liens manquants se fera autrement.
Ma quête professionnelle a été une option épuisante qui m’a également conduit au burn-out. J’ai eu la chance de pouvoir trouver des ressources pour rebondir et trouver le moyen de faire éclater la vérité.
Mais combien n’auront pas eu ces ressources et se seront perdus dans des comportements destructeurs?
Alors parents, si vous avez concu votre enfant avec donneur, racontez le leur.
Professionnels, si vous voyez quelqu’un avoir des difficultés à prendre sa place dans la vie, pensez à cette option.
Cette énergie de Vie que porte chaque personne concue avec donneur devrait pouvoir être utilise pour des projets constructeurs de vie – pas pour se perdre au mieux, se battre contre les fantômes ou se détruire au pire.
#SortonsDesTabous #Love